Accueil > Ecrits > Thérèse de l’Enfant Jésus

Thérèse de l’Enfant Jésus

J’ENTRE DANS LA VIE

Sainte Thérèse
De l’Enfant-Jésus et de la Sainte-Face

« J’aime beaucoup la lecture de la vie des saints… mais j’avoue que parfois il m’est arrivé d’envier l’heureux sort de leurs parents qui ont eu le bonheur de vivre en leur compagnie, de jouir de leurs saintes conversations »
P 9
« Le bon Dieu me donne ainsi tous les moyens de rester bien petite ; mais c’est cela qu’il faut ; je suis toujours contente ; je m’arrange, même au milieu de la tempête, de façon à me conserver bien en paix au-dedans. Si l’on me raconte des combats contre les sœurs, je tâche de ne pas m’animer à mon tour contre celle-ci ou celle-là. Il faut, par exemple, que, tout en écoutant, je puisse regarder par la fenêtre et jouir intérieurement de la vue du Ciel, des arbres…
EV P22 - 23
… c’est toujours si facile de mettre le tort sur les absents, et cela calme aussitôt celle qui se plaint. Oui, mais… c’est tout le contraire que je fais. Si je ne suis pas aimée, tant pis ! Moi je dis la vérité tout entière, qu’on ne vienne pas me trouver, si l’on ne veut pas la savoir.
EV P 23
Il ne faut pas que la bonté dégénère en faiblesse. Quand on a grondé avec justice, il faut en rester là…
P 23
Je me fais une si haute idée du Ciel, que, parfois, je me demande comment, à ma mort, le bon Dieu fera pour me surprendre. Mon espérance est si grande, elle m’est un tel sujet de joie, non par le sentiment, mais par la foi, qu’il me faudra quelque chose au dessus de toutes pensées, pour me satisfaire pleinement. Plutôt que d’être déçue, j’aimerais mieux garder un espoir éternel.
Enfin je pense déjà que, si je ne suis pas assez surprise, je ferai semblant de l’être, pour faire plaisir au bon Dieu. Il n’y aura pas de danger que je lui laisse voir ma déception ; je saurai bien m’y prendre pour qu’il ne s’en aperçoive pas. D’ailleurs je m’arrangerai toujours de manière à être heureuse. Pour y arriver, j’ai mes petites rubriques que vous connaissez et qui sont infaillibles… Puis, rien que de voir le bon Dieu heureux, cela suffira pleinement à mon bonheur.
EV P 28
Je lui montrais sa photographie :
Oui, mais… c’est l’enveloppe ; quand est-ce qu’on verra la lettre ? Oh ! que je voudrais bien voir la lettre !...
EV P 31
Je suis convaincue de l’inutilité des remèdes pour me guérir ; mais je me suis arrangée avec le bon Dieu, afin qu’il en fasse profiter de pauvres missionnaires malades, qui n’ont ni le temps, ni les moyens de se soigner. Je lui demande de les guérir en place de moi par les médicaments et le repos qu’on m’oblige à prendre.
P 32
Ce matin pendant la procession, j’étais à l’ermitage de St Joseph et je regardais de loin par la fenêtre la Communauté dans le jardin. C’était idéal, cette procession de religieuses en manteaux blancs ; cela me faisait penser au cortège des vierges dans le Ciel. Au détour de l’allée des marronniers, je vous voyais toutes cachées à moitié par les grandes herbes et les boutons d’or du pré. C’était de plus en plus délicieux. Mais voilà que parmi ces religieuses, j’en vois une, des plus gentilles, qui regarde de mon côté, qui se penche en souriant pour me faire un signe de connaissance. C’était ma petite Mère ! Aussitôt, je me suis rappelé mon rêve : le sourire, les caresses de la Mère Anne de Jésus et la même impression de douceur m’envahit. Je me disais : C’est donc ainsi que les saints me connaissent, qu’ils m’aiment, qu’ils me sourient d’en haut et m’invitent à les rejoindre !
Alors les larmes sont venues… Il y a bien des années que je n’avais autant pleuré. Ah ! c’étaient de douces larmes !
P 34

Qu’on ne croie pas que, si je guéris, cela me déroutera et détruira mes petits plans. Point du tout ! L’âge n’est rien aux yeux du bon Dieu, et je m’arrangerai bien à rester petite enfant, même en vivant très longtemps.
EV P 35
Je vois toujours le bon côté des choses. Il y en a qui prennent tout de manière à se faire le plus de peine. Pour moi, c’est le contraire.
EV P 35
… Ne vous étonnez pas si je ne vous apparais pas après ma mort, et si vous ne voyez aucune chose extraordinaire comme signe de mon bonheur. Vous vous rappellerez que c’est « ma petite voie » de ne rien désirer voir.
P 39
… Je ne me repentirai jamais d’avoir travaillé uniquement pour sauver des âmes…
P 40
En descendant les marches, elle vit, à droite, sous le néflier, la petite poule blanche qui avait tous ses poussins sous ses ailes. Quelques-uns montraient seulement leur petite tête. Elle s’arrêta toute pensive à les considérer. Au bout d’un moment, je lui fis signe qu’il était temps de rentrer. Elle avait les yeux pleins de larmes. Je lui dis : « Vous pleurez ! ». Alors elle mit sa main devant ses yeux en pleurant davantage et me répondit :
Je ne puis pas vous dire pourquoi en ce moment ; je suis trop émue…
Le soir, dans sa cellule, elle me dit avec une expression céleste :
J’ai pleuré en pensant que le bon Dieu a pris cette comparaison pour nous faire croire à sa tendresse. Toute ma vie, c’est cela qu’il a fait pour moi ! Il m’a entièrement cachée sous ses ailes !... Tantôt, en vous quittant, je pleurais en montant l’escalier, je ne pouvais plus me contenir, et j’avais hâte d’être rendue dans notre cellule ; mon cœur débordait d’amour et de reconnaissance.
EV P 44

Notre-Seigneur est mort sur la Croix, dans les angoisses, et voilà pourtant la plus belle mort d’amour. C’est la seule qu’on ait vue, on n’a pas vu celle de la Sainte Vierge. Mourir d’amour. Ce n’est pas mourir dans les transports. Je vous l’avoue franchement, il me semble que c’est ce que j’éprouve.
EV P 56
Il m’arrive bien aussi des faiblesses, mais je m’en réjouis. Je ne me mets pas toujours non plus au dessus des riens de la terre : par exemple, je serai taquinée d’une sottise que j’aurai dite ou faite. Alors je rentre en moi-même et je me dis : Hélas ! j’en suis donc encore au même point comme autrefois ! Mais je me dis cela avec une grande douceur et sans tristesse. C’est si doux de se sentir faible et petit !
EV P 57
Après avoir regardé une image qui représente Notre Seigneur avec deux petits enfants dont le plus petit est sur ses genoux et l’autre à ses pieds, lui baisant la main :
Moi je suis ce tout petit qui a grimpé sur les genoux de Jésus, qui tire si gentiment sa petite jambe, qui lève sa petite tête et qui le caresse sans rien craindre. L’autre petit ne me plaît pas tant. Il se tient comme une grande personne ; on lui a dit quelque chose… il sait qu’on doit du respect à Jésus…
P 57
Elle venait de cracher le sang. Je lui dis : Vous allez donc nous quitter ?!
Mais non ! Mr l’Abbé m’a dit : « Vous aurez un grand sacrifice à faire en quittant vos sœurs. » Je lui ai répondu : « Mais, mon Père, je trouve que je ne les quitterai pas ; au contraire, je serai encore plus près d’elles après ma mort. »
EV P 57
Vous êtes bien gaie aujourd’hui, on sent que vous voyez le Voleur.
Oui, à chaque fois que je suis plus malade, je le revois. Mais quand même je ne le verrais pas, je l’aime tant que je suis toujours contente de ce qu’il fait. Je ne l’aimerais pas moins s’il ne venait pas me voler, au contraire… Quand il me trompe, je lui fais toutes sortes de compliments, il ne sait plus comment faire avec moi.
P 58
… Au Carmel, il ne faut pas faire de la fausse monnaie pour acheter des âmes… et souvent les belles paroles qu’on écrit et les belles paroles qu’on reçoit sont un échange de fausse monnaie.
P 65
On avait pris une souris dans son infirmerie ; elle nous fit toute une histoire, nous demandant de lui apporter la souris blessée, qu’elle la coucherait à côté d’elle et la ferait ausculter par le docteur. Nous riions de bon cœur et elle était contente de nous avoir distraites.
EV P 66
… Au commencement, quand elle avait de la peine et que je n’avais pu réussir à la consoler, je m’en allais le cœur navré, mais je compris bientôt que ce n’était pas moi qui pouvais consoler une âme ; et alors je n’avais plus de chagrin quand elle était partie toute triste. Je demandais au bon Dieu de suppléer à mon impuissance et je sentais qu’il m’exauçait ; je m’en rendais compte au parloir d’après… Depuis ce temps là, quand j’ai fait de la peine involontairement, je demande au bon Dieu de réparer cela et je ne me tourmente plus.
P 74
… mais ceux qui auront suivi la voie d’enfance spirituelle garderont toujours les charmes de l’enfance.
P 75
Je ne puis pas penser beaucoup au bonheur qui m’attend au Ciel ; une seule attente fait battre mon cœur, c’est l’amour que je recevrai et celui que je pourrai donner. Et puis je pense à tout le bien que je voudrais faire après ma mort…
P 76
Ste Marie de l’Eucharistie voulait allumer les cierges pour une procession ; elle n’avait pas d’allumette, mais voyant la petite lampe qui brûle devant les reliques, elle s’en approche. Hélas ! elle la trouve à demi éteinte, il ne reste plus qu’une faible lueur sur la mèche carbonisée. Elle réussit cependant à allumer son cierge et, par ce cierge, tous ceux de la Communauté se trouvèrent allumés. C’est donc cette petite lampe à demi éteinte qui a produit ces belles flammes qui, à leur tour, peuvent en produire une infinité d’autres et même embraser l’univers. Pourtant ce serait toujours à la petite lampe qu’on devrait la première cause de cet embrasement. Comment les belles flammes pourraient-elles se glorifier, sachant cela, d’avoir fait un incendie pareil, puisqu’elles n’ont été allumées que par correspondance avec la petite étincelle ?...
Il en est de même pour la Communion des Saints. Souvent, sans le savoir, les grâces et les lumières que nous recevons sont dues à une âme cachée, parce que le bon Dieu veut que les Saints se communiquent les uns aux autres la grâce par la prière, afin qu’au Ciel ils s’aiment d’un grand amour, d’un amour bien plus grand encore que celui de la famille, même la famille la plus idéale de la terre. Combien de fois ai-je pensé que je pouvais devoir toutes les grâces que j’ai reçues aux prières d’une âme qui m’aurait demandée au bon Dieu et que je ne connaîtrai qu’au Ciel.
Oui, une toute petite étincelle pourrai faire naître de grandes lumières dans toute l’Eglise, comme des docteurs et des martyrs qui seront sans doute bien au dessus d’elle au Ciel ; mais comment pourrait-on penser que leur gloire ne deviendra pas la sienne ?
P 80
Je sens que je vais entrer dans le repos… Mais je sens surtout que ma mission va commencer, ma mission de faire aimer le bon Dieu comme je l’aime, de donner ma petite voix aux âmes. Si le bon Dieu exauce mes désirs, mon Ciel se passera sur la terre jusqu’à la fin du monde. Oui, je veux passer mon Ciel à faire du bien sur la terre. Ce n’est pas impossible, puisqu’au sein même de la vision béatifique, les Anges veillent sur nous.
Je ne puis me faire une fête de jouir, je ne peux pas me reposer tant qu’il y aura des âmes à sauver…
EV P 85
Si le bon Dieu me gronde, même un tout petit peu, je ne pleurerai pas d’attendrissement… mais s’il ne me gronde pas du tout, s’il m’accueille avec un sourire, je pleurerai…
Oh ! Je voudrais connaître au Ciel l’histoire de tous les saints ; mais il ne faudra pas qu’on me la raconte, parce que ce serait trop long. Il faudra qu’en abordant un saint, je connaisse son nom et toute sa vie dans un seul coup d’œil.
Je n’ai jamais fait comme Pilate qui refusa d’entendre la vérité. J’ai toujours dit au bon Dieu : O mon Dieu, je veux bien vous entendre, je vous en supplie, répondez-moi quand je vous dis humblement : Qu’est-ce que la vérité ? Faites que je voie les choses telles qu’elles sont, que rien ne me jette de poudre aux yeux.
Nous lui disions qu’elle était bien heureuse d’être choisie par le bon Dieu pour montrer aux âmes la voie de confiance. Elle répondit :
Qu’est ce que cela me fait que ce soit moi ou une autre qui donne cette voie aux âmes ; pourvu qu’elle soit montrée, qu’importe l’instrument !
P 88
Je lui disais toujours cette crainte qui ne me quittait pas de la voir souffrir davantage encore.
Nous qui courons dans la voie de l’Amour, je trouve que nous ne devons pas penser à ce qui peut nous arriver de douloureux dans l’avenir, car alors c’est manquer de confiance et c’est comme se mêler de créer.
P 89
Ecoutez une petite histoire bien risible : Un jour, après ma prise d’habit, Sr St Vincent de Paul me voit chez Notre Mère et s’écrit : « Oh ! quelle figure de prospérité ! Est-elle forte cette grande fille ! Est-elle grosse ! » Je m’en allais tout humiliée du compliment quand Ste Madeleine m’arrête devant la cuisine et me dit : « Mais qu’est-ce que vous devenez donc, ma pauvre petite Ste Thérèse de l’Enfant Jésus ! Vous maigrissez à vue d’œil ! Si vous y allez de ce train là, avec cette mine qui fait trembler, vous ne suivrez pas longtemps la règle ! » Je n’en pouvais revenir d’entendre l’une après l’autre des appréciations si opposées. Depuis ce moment je n’ai plus du tout attaché d’importance à l’opinion des créatures et cette impression s’est tellement développée en moi qu’à présent les blâmes, les compliments, tout glisse sur moi sans laisser la plus légère empreinte.
EV P 94
… Pour la nature, j’aime mieux mourir, mais je ne me réjouis de la mort que parce qu’elle est la volonté du bon Dieu pour moi.
P 97
Les mouches la tourmentaient beaucoup mais elle ne voulait pas les tuer.
Je leur fais toujours grâce. Elles seules pourtant m’ont fait de la misère pendant ma maladie. Je n’ai qu’elles d’ennemies et comme le bon Dieu a recommandé de pardonner à ses ennemis, je suis contente de trouver cette petite occasion de le faire.
C’est bien dur de tant souffrir, cela doit vous empêcher toute pensée ?
Non, cela me laisse encore dire au bon Dieu que je l’aime, je trouve que c’est suffisant.
EV P 100
On lui avait donné un écran, venu du Carmel de Saïgon ; elle s’en servait pour chasser les mouches. Comme il faisait très chaud, elle se tourna vers les images épinglées au rideau du lit et se mit à les éventer, et nous ensuite, avec l’écran.
J’évente les saints en place de moi ; je vous évente pour vous faire du bien et parce que vous êtes des saints aussi
P 101
Comment avez-vous fait pour arriver à cette paix inaltérable qui est votre partage ?
Je me suis oubliée et j’ai tâché de ne me rechercher en rien.
P 110
Je lui parlais de la mortification sous forme d’instruments de pénitence.
… Il faut être très modéré sur ce point, car il s’y mêle souvent plus que de nature qu’autre chose.
P 111
… Non, je ne me crois pas une grande sainte ! Je me crois une toute petite sainte ; mais je pense que le bon Dieu s’est plu à mettre en moi des choses qui font du bien à moi et aux autres.
P 112
Ste Marie du Sacré Cœur lui dit que les Anges viendraient à sa mort, pour accompagner Notre Seigneur, qu’elle les verrait resplendissants de lumière et de beauté.
… Toutes ces images ne me font aucun bien, je ne puis me nourrir que de la vérité. C’est pour cela que je n’ai jamais désiré de visions. On ne peut voir sur la terre, le Ciel, les anges tels qu’ils sont. J’aime mieux attendre après ma mort.
EV P 114
… j’aurai le droit sans offenser le bon Dieu de faire de petites sottises jusqu’à ma mort, si je suis humble, si je reste toute petite. Voyez les petits enfants : ils ne cessent de casser, de déchirer, de tomber, tout en aimant beaucoup, beaucoup leurs parents…
EV P 120
Je suis bien sûre que si St Pierre avait dit humblement à Jésus : « Accordez-moi je vous en prie, la force de vous suivre jusqu’à la mort », il l’aurait eue aussitôt.
Je suis certaine encore que Notre-Seigneur n’en disait pas davantage à ses Apôtres par ses instructions et sa présence sensible, qu’il ne nous dit à nous-mêmes par les bonnes inspirations de sa grâce. Il aurait bien pu dire à St Pierre : Demande-moi la force d’accomplir ce que tu veux. Mais non, parce qu’il voulait lui montrer sa faiblesse, et que, devant gouverner toute l’Eglise qui est remplie de pécheurs, il lui fallait expérimenter par lui-même ce que peut l’homme sans l’aide de Dieu.
… Avant sa chute, Notre Seigneur lui dit : « Quand tu seras revenu à toi, confirme tes frères’ ». Cela voulait dire : Persuade-les par ta propre expérience de la faiblesse des forces humaines.
EV P 121
Les femmes du pays venaient parler à la Sainte Vierge familièrement. Quelquefois elles lui demandaient de leur confier son petit Jésus pour aller jouer avec leurs enfants. Et le petit Jésus regardait la Sainte Vierge pour savoir s’il devait y aller. Quelquefois même les bonnes femmes allaient tout droit à l’Enfant Jésus et lui disaient sans cérémonie : « Viens jouer avec mon petit garçon » etc.
… Ce qui me fait du bien quand je pense à la Sainte Famille, c’est de m’imaginer une vie toute ordinaire. Pas tout ce qu’on nous raconte, tout ce qu’on suppose. Par exemple que l’Enfant Jésus après avoir pétri des oiseaux de terre soufflait dessus et leur donnait la vie. Ah ! mais non, le petit Jésus ne faisait de miracles inutiles comme ça, même pour faire plaisir à sa Mère. Ou bien alors pourquoi n’ont-ils pas été transportés en Egypte par un miracle qui eût été autrement nécessaire et si facile au bon Dieu. En un clin d’œil, ils n’auraient été rendus là. Mais non, tout dans leur vie s’est fait comme dans la nôtre.
Et combien de peines, de déceptions ! Combien de fois a-t-on fait des reproches au bon St Joseph ! Combien de fois a-t-on refusé de payer son travail ! Oh ! comme on serait étonné si on savait tout ce qu’ils ont souffert ! etc. etc.
EV P 139
Pour qu’un sermon sur la Ste Vierge me plaise et me fasse du bien, il faut que je voie sa vie réelle, pas sa vie supposée ; et je suis sûre que sa vie réelle devait être toute simple. On la montre inabordable, il faudrait la montrer imitable faire ressortir ses vertus, dire qu’elle vivait de foi comme nous, en donner des preuves par l’Evangile où nous lisons : « Ils ne comprirent pas ce qu’il leur disait. » Et cette autre, non moins mystérieuse : « Ses parents étaient dans l’admiration de ce qu’on disait de lui. » Cette admiration suppose un certain étonnement, ne trouvez-vous pas, ma petite Mère ?
On sait bien que la Sainte Vierge est la Reine du Ciel et de la terre, mais elle est plus Mère que reine, et il ne faut pas dire à cause de ses prérogatives qu’elle éclipse la gloire de tous les saints, comme le soleil à son lever fait disparaître les étoiles. Mon Dieu ! Que cela est étrange ! Une Mère qui fait disparaître la gloire de ses enfants ! Moi je pense tout le contraire, je crois qu’elle augmentera de beaucoup la splendeur des élus.
C’est bien de parler des prérogatives, mais il ne faut pas dire que cela, et si, dans un sermon, on est obligé du Commencement à la fin de s’exclamer et de faire Ah ! ah ! on en a assez ! Qui sait si quelque âme n’irait pas même jusqu’à sentir alors un certain éloignement pour une créature tellement supérieure et ne se dirait pas : « Si c’est cela, autant aller briller comme on pourra dans un petit coin ! ».
EV P 141
Ce que la Sainte Vierge a de plus que nous, c’est qu’elle ne pouvait pas pêcher, qu’elle était exempte de la tache originelle, mais d’autre part, elle a eu bien moins de chance que nous, puisqu’elle n’a pas eu de Sa inte Vierge à aimer ; et c’est une telle douceur de plus pour nous, et une telle douceur de moins pour elle !
P 141 – 142
Elle me disait que tout ce qu’elle avait entendu prêcher sur la Sainte Vierge ne l’avait pas touchée.
Que les prêtres nous montrent donc des vertus pratiquables ! C’est bien de parler de ses prérogatives, mais il faut surtout qu’on puisse l’imiter. Elle aime mieux l’imitation que l’admiration, et sa vie a été si simple ! Quelque beau que soit un sermon sur la Sainte Vierge, si l’on est obligé tout le temps de faire : Ah !... Ah !... on en a assez.
Que j’aime à lui chanter :
L’étroit chemin du Ciel tu l’as rendu visible (Elle disait : facile).
En pratiquant toujours les plus humbles vertus.
EV P 145 – 146
J’ai remarqué que dès que vous le pouvez, vous redevenez comme autrefois.
… Ah, c’est bien vrai ! Oui, quand je le peux, je fais de mon mieux pour être gaie, pour faire plaisir.
EV P 164
Après la première Messe de M. l’Abbé Denis, elle demanda à voir son calice. Comme elle regardait longuement le fond de la Coupe, on lui dit : Pourquoi donc regardez-vous si attentivement le fond du Calice :
Parce que je m’y reflète. A la sacristie, j’aimais à faire cela. J’étais contente de me dire : Mes traits se sont reflétés là où le sang de Jésus a reposé et descendra encore.
Combien de fois ai-je pensé aussi qu’à Rome mon visage s’était reproduit dans les yeux du Saint Père.
P 171
… Vous n’avez donc pas l’intuition du jour de votre mort ?
Ah ma Mère, des intuitions ! Si vous saviez dans quelle pauvreté je suis ! Je ne sais rien que ce que vous savez ; je ne devine rien que par ce que je vois et sens. Mais mon âme malgré ses ténèbres est dans une paix étonnante.
EV P 177
… Pour les petits, ils seront jugés avec une extrême douceur. Et on peut bien rester petit, même dans les charges les plus redoutables, même en vivant très longtemps. Si j’étais morte à 80 ans, que j’aurais été en Chine, partout, je serais morte, je le sens bien, aussi petite qu’aujourd’hui. Et il est écrit qu’ « à la fin, le Seigneur se lèvera pour sauver tous les doux et les humbles de la terre ». Il ne dit pas juger, mais sauver.
P 178
Entre deux et trois heures, nous lui proposions à boire. Elle demanda de l’eau de Lourdes disant :
Jusqu’à 3 heures, j’aime mieux l’eau de Lourdes, c’est plus pieux.
P 179
… Maman !... l’air de la terre me manque, quand est-ce que le bon Dieu me donnera l’air du Ciel ?...
… Ah, jamais ça n’a été si court (Sa respiration).
P 179
« Ah !... c’est ma petite sœur Geneviève qui sentira le plus mon départ, certainement c’est elle que je trouve le plus à plaindre, parce qu’aussitôt qu’elle a de la peine elle vient me trouver et elle n’aura plus personne…
… Oui, mais le bon Dieu lui donnera la force… et puis, je reviendrai ! ».
P 191
Je lui disais - « Le bon Dieu ne pourra me prendre aussitôt après votre mort, car je n’aurais pas eu le temps d’être bonne ». Elle reprit :
« Cela ne fait rien, rappelez-vous St Joseph de Cupertino, son intelligence était médiocre, il était ignorant et ne connaissait à fond que cet Evangile : Beatus venter qui te portavit. Interrogé juste sur ce sujet, il répondit si bien que tous furent dans l’admiration et il fut reçu avec grands bonheurs pour la prêtrise, avec ses trois compagnons, sans aucun autre examen. - Car on jugera d’après ses sublimes réponses que ses compagnons devaient en savoir aussi long que lui.
« Ainsi, je répondrai pour vous et le bon Dieu vous donnera gratis tout ce qu’il m’aura donné. »
P 192
… L’autre jour, je lisais à ma petite malade, un passage sur la béatitude du ciel, elle m’a interrompu pour me dire :
« Ce n’est pas cela qui m’attire…
-  Quoi donc ais-je repris ?
-  Oh, c’est l’Amour ! Aimer, être aimée et revenir sur la terre.
EV P 194
Elle connaissait une foule d’histoires et avait retenu quantité de traits dont elle se servait à l’occasion, ce qui rendait sa conversation imagée et piquante.
« Vous êtes une âme de bonne-volonté, me dit-elle, ne craignez rien, vous avez une petite « chienne » qui vous sauvera de tous les périls… »
(allusion à cet aveu que le démon avait fait au P. Surin, dans un exorcisme : « Je viens à bout de tout, il n’y a que cette chienne de bonne-volonté contre laquelle je ne puis rien. »
P 195
-  Vous allez donc me quitter !
-  « Oh ! pas d’une semelle ! »
Et, reprenant mon thème favori : - « Croyez-vous que je puis encore espérer être avec vous au Ciel ? Cela me semble impossible, c’est comme si on faisait concourir un petit manchot pour attraper ce qui se trouve au haut d’un mât de cocagne… »
-  « Oui, mais ! s’il se trouve là un géant qui prend le petit manchot sur son bras, l’élève bien haut et lui donne lui-même l’objet désiré !
… C’est comme cela que le bon Dieu fera avec vous, mais il ne faut pas vous en occuper, il faut dire au bon Dieu : « Je sais bien que je ne serai jamais digne de ce que j’espère, mais je vous tends la main comme une petite mendiante et je suis sûre que vous m’exaucerez pleinement, car vous êtes si bon !... »
P 198
-  « Aujourd’hui, c’est un Dimanche nul, je n’ai rien écrit dans notre petite écritoire. »
Elle reprit :
-  C’est la mesure de Lili, mais pas de Jésus ! »
 P 203
Je lui dis un jour : « Vous nous regarderez du haut du ciel, n’est-ce pas ? » - Elle répondit alors spontanément :
-  « Non, je descendrai ! »
 P 205
« Que faites-vous donc ainsi ? lui dis-je, il faudrait essayer de dormir. »
-  « Je ne puis pas, je souffre trop, alors je prie… »
-  « Et que dites-vous à Jésus ? »
-  « Je ne lui dis rien, je l’aime ! »
 P 205
A propos d’une novice qui la fatiguait beaucoup, je lui dis : « C’est pour vous un fameux combat ! En avez-vous peur ?
-  Un soldat n’a pas peur du combat et je suis un soldat ;
(Après avoir grondé la même novice)
-  Est-ce que je n’ai pas dit que je mourrai les armes à la main ?
 P 211
-  On m’a mise « dans un lit de malheur », dans un lit qui fait manquer le train.
Elle faisait allusion à Mère Geneviève, qui, dans ce même lit, avait reçu trois fois l’Extrême Onction.
P 211
-  Si vous saviez comme je fais des projets, comme je ferai de choses quand je serai au Ciel… Je commencerai ma mission…
P 212
Le 9 Juin 1897, sœur Marie du Sacré-Cœur lui disait que nous aurions beaucoup de peine après sa mort. Elle répondit :
« Oh ! non vous verrez… ce sera comme une pluie de roses… »
Elle ajouta :
« Après ma mort, vous irez du côté de la boîte aux lettres, vous y trouverez des consolations. »
P 222
« Une seule attente fait battre mon cœur c’est l’amour que je recevrai et celui que je pourrai donner. »
Je lui demandais des explications sur la voie qu’elle disait vouloir enseigner aux âmes, après sa mort.
« Ma mère, c’est la voie de l’enfance spirituelle, c’est le chemin de la confiance et du total abandon. Je veux leur enseigner les petits moyens qui m’ont si parfaitement réussi, leur dire qu’il n’y a qu’une seule chose à faire ici-bas : jeter à Jésus les fleurs des petits sacrifices, le prendre par des caresses, c’est comme cela que je l’ai pris, et c’est pour cela que je serai si bien reçue. »
P 223
Pendant sa maladie, elle avait accompagné péniblement la communauté à l’ermitage du Sacré-Cœur et s’était assise pendant le chant du cantique. Une sœur lui fit signe de se joindre au chœur. Elle était épuisée et ne pouvait se tenir debout. Elle se leva néanmoins aussitôt, et comme je lui en faisais le reproche après la réunion, elle me répondit simplement :
« J’ai pris l’habitude d’obéir à chacune comme si c’était le bon Dieu qui me manifestait sa volonté. »
P 225
(Un jour après sa communion)
« C’était comme si on avait mis deux petits enfants ensemble et les petits enfants ne se disent rien ; pourtant moi je Lui ai dit quelques petites choses, mais Il ne m’a pas répondu, sans doute qu’Il dormait. »
P 226
Une fois que l’heure sonnait et que je ne me dérangeais pas assez vite elle me dit :
« Allez à votre petit devoir »
et se reprenant :
« non, à votre petit amour ! »
Et une autre fois je disais : Il faut que je travaille parce que Jésus serait triste, elle reprit :
« Mais non, c’est vous qui seriez triste, il ne peut pas être triste avec nos arrangements, mais quel chagrin pour nous de ne pas lui donner autant que nous le pouvons ! »
P 227
Au Carmel sa grande souffrance fut de ne pas communier tous les jours. Elle disait, quelque temps avant sa mort, à Mère Marie de Gonzague, qui avait peur de la Communion quotidienne :
« Ma Mère, quand je serai au Ciel, je vous ferai changer d’avis. »
P 228
Un jour, elle me faisait promettre d’être une sainte ; elle me demandait si je faisais des progrès ; alors je lui répondis : « Je vous promets d’être sainte quand vous serez partie au Ciel ; à ce moment-là, je m’y mettrai de tout mon cœur.
-  Oh ! n’attendez pas cela, me répondit-elle. Commencez dès maintenant. Le mois qui précéda mon entrée au Carmel est resté pour moi comme un doux souvenir. Au commencement, je me disais comme vous : « Je serai sainte quand je serai au Carmel ; en attendant, je ne vais pas me gêner… » Mais le bon Dieu m’a montré le prix du temps ; j’ai fait tout le contraire de ce que je pensais ; j’ai voulu me préparer à mon entrée en étant très fidèle ; et c’est un des plus beaux mois de ma vie.
« Croyez-moi, n’attendez jamais au lendemain pour commencer à devenir sainte. »
P 231
… Je lui demandais l’autre jour : Avez-vous quelquefois refusé quelque chose au bon Dieu ?... Elle m’a répondu : « Non je ne m’en rappelle pas ; même lorsque j’étais toute petite, dès l’âge de trois ans, j’ai commencé à ne rien refuser de e que le bon Dieu me demandait. »
P 251
… jamais on n’a vu mourir avec tant de calme. « Que voulez-vous, nous dit-elle, pourquoi la mort me ferait-elle peu, je n’ai jamais agi que pour le bon Dieu… » Et lorsqu’on lui dit : « Vous mourrez peut-être le jour de telle fête… - Je n’ai pas besoin de choisir un jour de fête pour mourir, nous répond-elle, le jour de ma mort sera le plus grand de tous les jours de fête pour moi… » Aujourd’hui comme elle crachait un peu moins le sang et que dans son crachoir il n’y avait que quelques crachats depuis le matin, elle ne faisait que de les regarder d’un air navré… « Si peu, faisait-elle, pour souffrir tant » et puis : « Si peu ah ! cela ne va donc pas être aujourd’hui… je ne sais pas mourir… Je pense qu’il faut que je sois bien mignonne maintenant, et que j’attende le « Voleur » bien gentiment. »
Comme l’on craignait beaucoup hier qu’elle ne passe pas la nuit on avait apprêté dans l’appartement à côté un cierge bénit et de l’eau bénite ; elle regarde tout le temps ces deux objets du coin de l’œil d’un air de complaisance et nous dit : « Voyez-vous ce cierge-là, quand le voleur m’emportera on me le mettra dans la main, mais faudra pas me donner le chandelier, il est trop laid » ; puis elle s’amuse à nous parler de tout ce qui arrivera après sa mort. De la manière dont elle nous raconte cela, là où l’on devrait pleurer on rit aux éclats tellement elle est amusante… Elle passe tout en revue, c’est son bonheur et nous en fait part dans des termes qui nous font bien rire. Je crois quelle mourra en riant tellement elle est gaie.
P 254
« Ah ! vous avez de la peine, ma pauvre petite, de voir que le ciel n’est pas encore pour demain, n’est-ce pas ? » - Elle reprit aussitôt : « Ma petite Mère, vous ne me connaissez donc pas encore ? Tenez, voilà tous mes sentiments exprimés dans ce couplet d’un de mes petits cantiques…
Longtemps encor je veux bien vivre
Seigneur si c’est là ton désir.
Dans le Ciel je voudrais te suivre
Si cela te faisait plaisir…
L’Amour ce feu de la patrie
Ne cesse de me consumer.
Que me fait la mort ou la vie,
Jésus, ma joie c’est de t’aimer. »
P 255
Elle me disait l’autre jour : « Pourquoi avez-vous tant de peine que je m’en aille ? alors moi je devrais en avoir beaucoup de vous quitter ; si je pensais vous quitter j’en aurais, mais puisque je vous dis que je serai plus près de vous sans mon corps qu’avec mon corps. »
P 256